Trois axes de soutien des enseignants jordaniens pour leurs élèves réfugiés syriens

Aujourd’hui dans sa deuxième décennie, la crise des réfugiés syriens a eu un impact dévastateur sur la vie des enfants et des jeunes. Pour les centaines de milliers de réfugiés qui se sont installés en Jordanie, l'éducation – et les enseignants – offrent un nouvel espoir. Les recherches de l'IIPE et de Education Development Trust sur la gestion des enseignants dans les contextes de réfugiés ont mis au jour trois manières dont les enseignants jordaniens se surpassent pour les jeunes réfugiés.

Plus d'un tiers des quelque 650 000 réfugiés syriens enregistrés en Jordanie ont entre 6 et 17 ans et sont donc en âge d’être scolarisés. Cela représente environ 212 000 enfants qui ont le droit de s'inscrire à l’école publique gérée par le ministère de l'Éducation, ou dans les camps de réfugiés, ou encore dans les communautés hôtes.

Actuellement, l'UNICEF estime que 72 % de ces enfants sont inscrits, la majorité dans les communautés jordaniennes, au sein du deuxième groupe des écoles à double vacation, qui va en classe de la mi-journée à la fin de l'après-midi.

1. Soutenir les élèves syriens en classe

Beaucoup de ces apprenants portent un lourd fardeau émotionnel : ils peuvent avoir perdu des êtres chers, vu leur maison ou leur école détruite, ou avoir été témoins d'un conflit. « Un élève peut avoir été loin des bancs de l’école pendant parfois deux ou trois ans », a déclaré un enseignant d’Amman, la capitale. « Les élèves syriens sont déconnectés des écoles. Cela peut devenir très difficile pour eux de revenir à l'école après tant d’années ».

Conscients de ce défi, les enseignants travaillent dur pour les accueillir à nouveau en classe. Un professeur de sciences sociales dit notamment avoir des difficultés pour aborder des sujets politiques et historiques difficiles en classe car il ne veut pas bouleverser les élèves ou pire, raviver leurs traumatismes. Dans le nord de la Jordanie, un enseignant de Mafraq a déclaré que certains enseignants avaient décidé de commencer à orienter les élèves eux-mêmes, en l’absence de conseiller scolaire officiel.
En parallèle, d'autres enseignants ont évoqué des collectes de fonds lancées pour offrir un soutien financier aux familles syriennes. Ils ont également cité des événements et des remises de prix, ainsi que des actions de sensibilisation à la valeur de l’éducation, en particulier pour les filles.

2. Améliorer la dynamique entre les groupes du matin et de l’après-midi

Tous les enseignants des écoles publiques en Jordanie sont des ressortissants jordaniens. La majorité de ceux travaillant avec les réfugiés syriens du deuxième groupe des écoles à double vacation est rémunérée sur une base journalière. Cela signifie que ces enseignants sont recrutés et déployés par la Direction de terrain plutôt que par le Bureau de la fonction publique (CSB) et le niveau central du ministère de l'Éducation. Comme ils n'ont pas de contrat formel, ils ne sont payés que pour le nombre de jours qu'ils enseignent par mois et n'ont pas droit à des prestations sociales ou à des congés en lien avec cette activité d’enseignement. Ils sont normalement censés alterner chaque semestre afin de donner à d'autres enseignants rémunérés à la journée la possibilité de travailler. Cependant, ils sont souvent engagés pour une période plus longue afin de favoriser la continuité pour les apprenants réfugiés.

Les directeurs d'école et les enseignants font également de nombreux efforts pour améliorer la dynamique entre groupes du matin et de l'après-midi. Par exemple, le directeur d'une école de garçons à double vacation à Zarqa, une ville du nord-est, s’est efforcé, dans le cadre d’une démarche concertée, de mélanger les élèves jordaniens et syriens au sein du groupe de l'après-midi, dans le but de promouvoir la cohésion sociale. Se sentant responsable de sa communauté, qui comprend désormais des élèves syriens, il a partagé sa vision pour plus de compassion et d'inclusion avec son personnel enseignant.

« En raison de la situation des élèves syriens, qui ont parfois connu la guerre, je voulais inclure d'autres élèves [jordaniens], dans une perspective humanitaire. J'essaie d'encourager l'interaction. »
- Directeur d'une école de garçons à double vacation à Zarqa

Les enseignants de cette école ont également déclaré se rendre mutuellement visite en classe de leur propre initiative, dans le but de s’observer entre pairs. Ces visites montrent un certain niveau de confiance et de soutien au sein du personnel enseignant. Ils ont également confié être proches, même en dehors de l'école, et se considérer comme une famille : « Nous partageons les uns avec les autres dans les bons comme dans les moments difficiles », a déclaré l'un d'eux.

3. Partager des ressources et des événements scolaires avec le jumelage

Dans une école de filles à double vacation à Zarqa, de nombreux exemples ont mis en évidence le potentiel du jumelage. Ainsi tout ce qui est le matin – qu’il s’agisse de matériels, de cours, ou d’événements –, est aussi pour le groupe de l'après-midi, et vice versa.

« Au cours de nos visites d'écoles, nous avons vu de nombreux exemples d'enseignants et de directeurs avec un rôle d’agent au service d'une réforme positive au niveau de leur école, grâce à des initiatives telles que le jumelage entre vacations. Cela conduit à l'amélioration des conditions de travail, de la cohésion sociale et de la qualité de l'éducation pour les apprenants syriens en Jordanie. »
- Stéphanie Bengtsson, chargée de projet à l'IIPE

Ainsi, ce directeur à Zarqa a veillé à ce que les sessions de formation des enseignants organisées par la Direction du terrain – qui étaient apparemment destinées aux enseignants du groupe du matin – soient également dispensées aux enseignants de la deuxième vacation. De même, il s'est assuré que le parlement des élèves et les concours d'art soient également pour la deuxième vacation, mais aussi que les donateurs, qui donnaient pour les apprenants réfugiés, s'engagent dans cette approche de jumelage.

L'intégration de ce concept de jumelage dans les plans et stratégies ainsi que dans les accords avec les donateurs semble un moyen efficace de s'assurer d’une répartition équitable des ressources entre les deux vacations.

Autres recommandations pour soutenir les enseignants

Une grande partie de cette de l’IIPE et de Education Development Trust, financée par l'Union européenne et la fondation Open Society, consiste à identifier des domaines prometteurs pour l'élaboration et la mise en œuvre de politiques dans le but de soutenir une gestion efficace des enseignants dans la pratique. Certaines des recommandations clés proposent de :

  • Mettre en place un groupe de travail afin de faire face à la pénurie d'enseignants masculins,
  • Inclure les enseignants payés à la journée dans le système de classement,
  • Déployer des programmes de développement professionnel plus flexibles,
  • Faire officiellement de la formation continue sur l’aide psychosocial une partie du développement professionnel continu,
  • Régulariser les engagements d’un an pour les enseignants payés à la journée,
  • Faire participer les directeurs d'école au recrutement des enseignants.

Ces recommandations – et plus encore – sont désormais disponibles afin de soutenir des directives politiques ultérieures fondées sur cette recherche pour le gouvernement jordanien et ses partenaires, dans le cadre de son engagement continu à fournir une éducation de qualité pour tous.

 

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